(source-Les Echos du 15/01/2020)
Les yeux dans les yeux. Face aux banquiers de la Place, réunis mardi soir à l’occasion des vœux du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau n’y est pas allé par quatre chemins. « Des dérives doivent s’arrêter, et des comportements doivent changer, vite ».
Dans son discours de début d’année, le superviseur avait décidé de mettre les banques françaises face à leurs responsabilités en ce qui concerne leurs politiques de prêts immobiliers. Depuis plusieurs mois, les autorités s’inquiètent d’une éventuelle surchauffe dans l’octroi de crédits aux ménages, dans un contexte de taux bas qui favorise les emprunteurs.
« L’adaptation à l’environnement de taux bas passe par une vigilance accrue en matière de qualité et de tarification des crédits », considère François Villeroy de Galhau.
Menace de surcharge en capital
Le 20 décembre, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a publié officiellement ses recommandations sur la durée et la charge de remboursement des crédits. Il s’agit pour les banques de ne pas accorder de prêt dont le poids dépasserait un tiers des revenus nets du ménage ou de l’emprunteur, et de plafonner leur durée à vingt-cinq ans. Ces recommandations « s’appliquent à tous les nouveaux prêts déposés depuis ce mois de janvier », a insisté François Villeroy de Galhau.
Le gouverneur de la Banque de France n’a pas hésité pas à se montrer menaçant. Si les banques n’agissent pas rapidement, « nous passerions à une surcharge en capital pour les prêts non conformes, même si cela ne fait pas partie de mes voeux ». De quoi susciter quelques rires nerveux dans l’assemblée de banquiers.
Les banques françaises restent encore sous pression en 2020
Sévère sur les pratiques en cours, le superviseur a aussi fait la leçon aux établissements français sur le bon respect des pratiques en termes de tarification. « Les marges doivent être suffisantes pour couvrir les coûts et les risques associés aux crédits immobiliers. Ces points seront particulièrement suivis par l’ACPR en 2020, et ils sont – je souligne – d’intérêt commun pour vous comme pour nous au titre de la stabilité financière ».
Plaidoyer pour un marché unique financier
La machine à crédit tourne en effet à plein régime en France, où la distribution de prêts est en moyenne deux fois plus rapide qu’ailleurs dans la zone euro . Les banques se livrent une véritable guerre commerciale et misent sur les volumes pour compenser la baisse des marges liée aux taux bas.
Le gouverneur de la Banque de France a néanmoins tenu « à rendre hommage à la qualité et à la solidité des institutions financières, parmi les meilleures d’Europe, et qui ont accompli ces dernières années un chemin considérable », notamment grâce à leurs « stratégies de digitalisation et d’efficacité opérationnelle ».
Rassurant sur l’évolution de la réglementation et l’application de l’accord Bâle III, qui « n’aura pas d’impact négatif sur le financement de notre économie », François Villeroy de Galhau a de nouveau plaidé pour « un véritable marché unique financier propice aux consolidations transfrontières ». « Or l’Union bancaire est toujours au milieu du gué », regrette-t-il. Reste à voir si l’année 2020 permettra d’effectuer de réelles avancées dans ce domaine.